Trail des Forts de Besançon - Arrivée en duo

Trail des Forts de Besançon : remettre un dossard et courir en duo

La dernière fois que j’ai pris la plume (ou le clavier) pour faire un récit de course, c’était pour les Foulées de Vincennes. A l’époque, je ne pensais pas devoir attendre aussi longtemps pour revivre ce genre d’émotions. Entre temps : une pandémie, un confinement, un mode de vie un peu chamboulé et des regrets pour la vie d’avant. Quelques projets sympas quand même depuis, un marathon pour le fun, quelques défis cons, un relai de 31h15… Mais que ça fait du bien de revenir sur une course officielle ! Allez, même que du coup je vous emmène avec moi le temps de quelques lignes !

Joies et douleurs

L’idée de s’aligner sur cette course est venue d’un peu nulle part, un peu comme tous mes défis ces derniers mois. Un message : « Ça te tenterait pas de faire le trail des Forts de Besançon ? ». Dans la minute j’étais en train de regarder l’inscription. Incorrigible, encore plus en ce moment. Et voilà donc comment on signe pour un trail de 53 kilomètres 1 mois avant l’échéance. Oui, parce que tant qu’à faire, autant prendre la plus longue distance. Plus il y a de kilomètres, plus la fête est folle.

Le problème quand tu te décides peu de temps avant comme ça… Bah c’est que t’es pas vraiment prêt. Encore plus si tu es parisien et que t’as eu la flemme de faire des côtes depuis… longtemps. Et ça c’est pour Bibi. Et en 4 semaines, ça ne se rattrape pas hyper bien quand même. Surtout quand ton corps a la bonne idée de te lâcher au même moment. 1 an et demi sans trop de bobos, et bim. Une sortie trail un peu trop tôt après le Speed Project, et ton mollet décide de se mettre en grève. Genre il veut bien fonctionner, mais pas trop non plus, 1 métro sur 4. Pas très pratique cette histoire.

Une douleur lancinante au mollet gauche qui ne voudra donc pas évacuer la scène, malgré la reprise des traditionnelles séances d’automassage et de glaçage. Des soirées fun qui n’auront donc servi à rien devant les caprices d’un muscle récalcitrant.

Faisons donc fi de la douleur, et courons ! Ce qui ne s’est avéré que moyennement malin (euphémisme). D’un côté, ça m’a permis de faire deux semaines d’entrainement plus axées sur le dénivelé, même si j’ai dû réduire la voilure par rapport aux ambitions initiales. De l’autre côté, petit mollet est devenu mollet fâché. La douleur s’est amplifiée, au point de ne plus pouvoir marcher sans avoir mal. Outch. Un chouïa trop confiance en l’adage « cours toujours, c’est rien ça passera ». Il est possible que cet adage soit très peu partagé par la communauté médicale en revanche.  Désolé, désolé. En fait non.

Deux semaines de réduction de volume, on se tient un peu plus tranquille. De toute façon j’étais tout pourri sur les fractionnés. Et mollet grognon se calme un peu. On est à deux métros sur 5 maintenant. Oui il faut suivre un peu la métaphore du début.

Joies de l’avant-course

C’est donc avec un mollet en moins, mais toujours autant d’envie, que j’allais m’aligner sur le départ. Fort de l’autre adage « On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher ». Davantage partagé celui-là. Et puis en vrai j’avais bien l’intention de museler le muscle endolori et de ne pas le laisser gâcher la fête. J’ai l’envie, la forme, le foncier, le mental, bref la capacité à aller faire quelque chose de pas trop mauvais malgré tout.

Bienvenue donc à Besançon, charmante petite ville de… Non c’est pas vrai. Déjà, quand on est arrivé à hauteur de Besançon, on a eu l’impression de se précipiter sur un gros nuage noir et une humidité mal-accueillante. Et puis il fait froid dans ce pays. Mais vu qu’on ne vient que pour courir, tant qu’il y a des plats de pâtes ça suffit. Le repas d’avant-course était terriblement bon, agrémenté d’un tiramisu, parce qu’il faut prendre des forces quand même, tout va bien.

Après une petite nuit et un réveil bien matinal dont on avait plus l’habitude, c’est le moment de redécouvrir toutes ces petites choses qui font le sel de l’avant-course : le petit-déjeuner savamment pensé, l’appréhension, l’adrénaline, la concentration, le « putain il caille ». Oui, parce que 5 degrés quand même.

Protocole sanitaire oblige, l’ambiance de départ a tout de même quelque peu changé. Les masques ont remplacé les embrassades, les distances de sécurité ont mis fin aux coups de coude des dernières minutes, bref c’est une nouvelle ère. Bien installés dans notre sas de départ, nous attendons avec impatience le coup de feu avec Adèle et Chou. Celui-ci a vite disparu pour se faufiler au premier rang avec son sac poubelle très seyant.

Débuts sans répits

7h30, c’est le départ. Boum, premier dossard depuis des lustres. Je prends de la vitesse dès le début, pour doubler par la droite dès les premiers mètres. Pas de clignotants, ça part vite. L’idée, prendre le large et se positionner pour éviter les embouteillages dès la première montée. C’est-à-dire 500 mètres plus loin.

Un départ en fanfare qui permet de se rendre compte qu’il y a un certain niveau. Les premiers kilomètres en montée se font à bonne allure et sans la moindre pause pour marcher de la part des coureurs m’entourant. C’est que ça cavale. Le rythme ne se relâche pas, et nous arrivons très vite déjà à hauteur du premier fort, que nous contournons.

Avant de nous élancer dans la descente pour revenir vers Besançon, nous avons la chance de pouvoir admirer le lever de soleil, magnifique. Enfin je ne suis pas sûr que mes camarades de jeu en aient beaucoup profité, parce que j’étais le seul à me contorsionner pour regarder les lueurs matinales dans mon dos. Trop sérieux ces coureurs !

Nous revenons bien vite dans Besançon, direction les quais pour quelques kilomètres de plat sur pavés et bitume. Mon terrain de jeu habituel, voilà de quoi remonter et creuser un peu d’écart sur les poursuivants. Mais rien du tout oui ! J’ai beau accélérer et frôler les 4 minutes au kilomètre, pas moyen de doubler qui que ce soit. C’est que ça envoie autour.

Retour sur des terrains qui adhèrent un peu moins pour une seconde partie qui va s’avérer être un peu moins plaisir. En gros, je me suis noté dans un coin de la tête : bon, là ça monte, puis ça descend, et ça 3 fois jusqu’au second ravitaillement. On va donc faire fonctionner les mollets. D’ailleurs, mollet gauche récalcitrant ne fait plus le malin, on ne l’entend plus depuis le début de la course. Qu’il me laisse donc en paix, le voilà enfin conciliant.

Arrivé au premier ravitaillement, je fais le choix de ne pas m’arrêter. J’ai largement assez d’eau sur moi, et ai pris bien assez de victuailles pour étancher ma faim pourtant généralement gargantuesque. Nous voilà donc lancés dans de la descente. Et les ennuis commencent vraiment. Le Parisien la ramène beaucoup moins d’un coup devant les descentes bien raides sur de la caillasse, et les glissades plus ou moins (voire pas du tout) contrôlées dans la boue. Au point de s’en raccrocher aux branches pour freiner la cavalcade vers le vide. Oui, ce n’est pas une figure de style, je me suis vraiment accroché aux arbres, en mode paresseux, pour m’éviter de belles gamelles.

La course se poursuit néanmoins, toujours à bonne allure. Je ne m’en sors pas trop mal dans les montées, je tiens le rythme. En revanche, c’est bien dans les descentes que le bât blesse, et que je suis obligé de laisser plusieurs concurrents me doubler devant mon manque d’aisance. Parce que, la descente à vive allure en mode « ça passe ou ça casse » avait davantage de chances de se finir sur la seconde option, soyons honnêtes. Surtout avec cette fâcheuse tendance à tomber ces derniers temps. Tentons donc de rester sur les guiboles pour une fois, nous ne nous en porterons que mieux !

Et, à force de poussées sur les cuissots, et de dérapages totalement improvisés, me voilà arrivé à hauteur du second ravitaillement, placé un peu plus tôt que je ne l’avais prévu. Et qui vois-je donc me taper sur l’épaule. L’ami Chou Fly, en pleine dégustation également de ce buffet des saveurs : coca, gels, bananes et pâtes de fruits. Oui, car, à notre plus grande peine, le covid aura donc fait une victime que nous regretterons tous : l’open bar de saucisson et de TUC. Pas assez gestes barrières pour ce monde barbare. Triste époque que nous vivons. Heureusement que j’ai pris avec moi dans mon sac du saucisson et des noix de cajou pour tenir. Un trail sans saucisson ? Non mais ça va pas, oh !

Course en duo

Je repars donc avec Florian, après quelques rasades de ce divin breuvage qu’est le coca. Même constat pour tous les deux : ça va vite, trop vite, et ça glisse, beaucoup trop. Du coup on décide de continuer ensemble, parce que c’est quand même beaucoup plus sympa à deux.  Déjà pour le mental. Et pour discuter pendant le parcours. Et puis parce que comme ça tu peux entrainer ton pote avec toi dans ta glissade dans la boue.

C’est donc reparti pour une bonne ration de kilomètres, à vagabonder entre forts et sous-bois, entre les racines et les sentiers penchés au-dessus des fossés, entre végétation luxuriante et amas de pierre artificiels, entre entremêlas d’arbres noués de mousse et talus de boue. Ce qui est bien dans le trail, c’est que tu peux passer très rapidement d’un « oh c’est beau » à un « putain l’enfer ». Un beau sport, jamais rien dans la demi-mesure.

Bien sûr, comme prévu, il s’est mis à pleuvoir au 25 kilomètre, ce qui nous permet donc de ne pas avoir emmené notre veste de pluie pour rien. Instant pause ajustement de veste contre un tronc d’arbre renversé. Mais le problème n’est pas tant la pluie que le fait que ça va glisser de plus en plus. La prochaine fois je prends ma luge.

Entre deux forts, nous avons tout de même vue sur quelques magnifiques points de vue sur Besançon et ses alentours, encore entourés de brume matinale. Comme le disait Jacques, « c’est loin mais c’est beau ». En parlant de forts, nous avons la chance dans le même temps de faire une magnifique balade touristique dans des lieux plutôt sympas, à courir dans les escaliers et les couloirs de ces forteresses pluri-centenaires.

C’est au détour de l’un de ceux-ci que nous retrouvons Pauline, la compagne de Chou, à hauteur du 3e ravitaillement. Une petite pause, bien méritée parce que les jambes commencent à tirer, et c’est reparti.

Toboggan dans la boue

Les muscles commencent à se faire douloureux maintenant que nous venons de franchir les 34 kilomètres, mais il y en a encore sous le pied. Dans quel monde se dit-on « plus que 20 kilomètres, on se rapproche » ? Je commence néanmoins à avoir quelques douleurs un peu plus sérieuses dans les jambes. Un petit élancement au niveau du psoas, mécontent des grimpettes à bonne allure sans doute. Et surtout, une douleur qui apparaît dans le genou, sur le côté de la rotule. Une douleur que j’identifie très bien, puisque c’est exactement la même que celle que j’ai contracté lors de mon dernier trail dans la boue en 2018, la SaintéLyon. Les deux mois à me traîner cette blessure me semblent encore aujourd’hui amers.

Nous avons devant nous quelques kilomètres sur du plat bitumeux, ce qui permet de pouvoir ajouter un petit paquet de foulées au compteur sans effort. Il faut néanmoins retrouver à un moment les sentiers, leur sinuosité et leurs difficultés. Avec quelques passages dont nous nous serions bien volontiers passés. Des descentes bien glissantes dans la boue, à passer pas bien loin de la chute, et à s’en faire de belles frayeurs. Et un passage assez incongru, où les organisateurs avaient dû disposer des cordes auxquelles nous accrocher pour ne pas dévaler des rochers bien polis et dangereux. Avec ce magnifique « on a mis des filets pour pas que vous tombiez dans le fossé ». Ah. Merci bien.

Cette portion aura également été marquée par un petit détour supplémentaire. Car ce n’aurait pas été drôle de ne pas se tromper de chemin. Ce boulevard de descente bitumeuse paraissait tellement accueillant que nous en avons loupé l’embranchement vers un sentier nettement moins sympathique dans les bois. Heureusement, des passants nous ont bien vite aiguillés pour remonter vers notre chemin. Nous n’en avons donc été quittes que pour 500 mètres de plus. Mais quand on aime on ne compte pas.

Après ces péripéties, nous arrivons au dernier ravitaillement. Rasades de Pepsi (oui ça change) et juste le temps de voir une magnifique gamelle d’un coureur, à l’arrêt sur bitume plat. Il y a des choses qu’on ne comprend pas dans la vie, ce moment en fait partie. Force à toi petit coureur aux fesses amochées.

Dernières marches 

Il nous reste désormais moins de 10 kilomètres à faire, et c’est déjà un petit parfum d’arrivée qui flotte dans l’air. Nous avons rejoint entre temps la fin du parcours du 28 kilomètres et ses plus de 1000 coureurs. Et ça se voit, le terrain a été complètement retourné, de quoi achever de noircir les baskets.

Quelques kilomètres supplémentaires à s’amuser dans les sous-bois, et voilà qu’au loin se devine la citadelle, point culminant de notre épopée. Quelques descentes bien casse-gueule supplémentaires, et nous voilà en bas de la forteresse, prêts à aller gravir les lieux. Avec au passage une petite passe d’armes entre Chou et le gardien des lieux, pour raison de dossard non visible. Vu comment il me l’avait remonté, je ne pense pas qu’il aurait pu le suivre bien longtemps à trappe-trappe.

Nous voilà donc malgré tout en haut des marches, avec une magnifique vue sur la ville bisontine. Une petite photo, et hop c’est reparti pour la descente. Avec l’agréable surprise de constater qu’il nous restait deux kilomètres de moins que prévu. C’est le moment de penser à la bière.

Après une dernière quasi chute dans des escaliers (juste après avoir indiqué que c’était bien glissant, malin), nous voilà lancés dans le dernier kilomètre. Et qui ne voyons-nous pas arriver pour nous encourager ? Didi, le pote qui fait 2h de route tôt un dimanche matin juste pour nous voir. Le sourire aux lèvres d’être là, nous retrouvons également nos amis coureurs des autres formats du week-end, se déchainant pour nous applaudir près du pont.

Une dernière ligne droite dans la boue pour la forme près du Doubs, où Chou décide très amicalement de s’agripper à moi (« Si je tombe à l’eau, toi aussi comme ça »), quelques derniers centaines de mètres. Et nous arrivons bras dessus dessous à l’arrivée, fiers et tellement heureux de cette course partagée ensemble.

Nos autres camarades runners sont là pour nous accueillir et nous féliciter. Et me ravitailler en kinder aussi, très important pour ma survie (merci Yovhanna).

Bilan plus que satisfaisant

Au-delà des quelques frayeurs et glissades dans la boue, et du sacrifice d’un genou, ce fut une magnifique course, et une joie de pouvoir enfin remettre un dossard. Un plaisir de retrouver ces sensations de course, de se donner de nouveau, de se dépasser et se surpasser, de revivre des courses longues sur un parcours somme toute magnifique. Et un bonheur surtout de le partager entre potes.

J’ai plutôt bien vécu la course. Quelques galères du fait du manque d’entraînement. Mais globalement plutôt à l’aise dans l’effort, avec pas vraiment de coup de mou au mental, et encore pas mal d’énergie et de capacité à avancer sur la fin. J’ai plutôt bien géré mon effort et mon ravitaillement, malgré un départ sans doute un peu trop rapide mais sans conséquences. Le chrono est bien meilleur que tout ce que j’avais pu imaginer (5h42), et le classement très satisfaisant au vu du niveau général (99e). Eu égard à l’année passée, faire une telle course est plus que satisfaisant et prometteur pour la suite. En espérant pouvoir repartir sur une multitude d’autres courses et d’autres beaux défis à l’avenir. Celui-ci n’en restera pas moins un très beau moment. 

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