Semi-marathon de Paris

La préparation marathon, un chemin loin d’être anecdotique

Etat des lieux, état d’esprit, construction du plan, séances, ressentis

Quand on évoque une préparation marathon, on pense souvent aux quelques semaines plutôt assez (beaucoup) chargées précédant le marathon. 8 à 12 semaines, selon les plans et les envies, où s’enchaînent les séances, plus ou moins nombreuses, plus ou moins intenses. En réalité, il faudrait remonter plus loin. La préparation marathon, ce n’est souvent que le final d’un cheminement, d’une pensée, d’une volonté, d’une route déjà empruntée depuis un moment. On ne se lève pas un matin en se disant qu’on part de zéro. Non, la préparation marathon spécifique n’est souvent que la continuité d’une préparation générale qui remonte à bien plus loin.

Road to Rotterdam

Ma route à moi vers ce marathon de Rotterdam, elle a commencé en réalité directement après celui de Berlin. Un corps qui lâche, un chrono supérieur à l’objectif et une prise de conscience surtout : il allait falloir en faire beaucoup plus, et aller se donner davantage les moyens de mes objectifs. Les quelques jours à cogiter qui ont suivi m’auront permis de faire le point dans le calme sur mes envies, mon niveau du moment, ma hargne d’aller de l’avant. Berlin, ce n’était pas un échec non, c’était juste une étape tortueuse sur mon chemin. Berlin, ce n’était pas le début de la fin, loin de là, c’était juste la fin du début.

Il allait me falloir aller chercher plus haut, plus fort, plus loin, m’entraîner davantage, me libérer de mes propres limites. S’il y avait bien quelque chose que la préparation pour Berlin m’avait appris, c’était que j’étais capable de bien plus que ce j’estimais possible, que je pouvais pousser toujours davantage, que mon corps serait capable de s’adapter peu à peu à tout ce que mon esprit lui imposerait. Avec du travail et de l’abnégation, je me sais maintenant capable d’aller atteindre de nouveaux sommets, qui paraissaient autrefois si loin, trop loin, à l’horizon. Les seules limites que nous avons sont celles que nous nous imposons. Libérés de nos pensées limitantes un tout autre monde s’ouvre à nous. Il était temps de passer à la phase supérieure. Shall we begin ?

Passage à la phase supérieure

Revenu avec une envie et une motivation décuplées, je me suis engagé sur un nouveau chemin. Davantage de séances, de kilomètres, de fractionnés. Avec des efforts qui paient très vite et des premiers objectifs, fous, qui tombent : un très bon chrono sur les 20kms de Paris, la large qualification pour le marathon de New York sur le semi-marathon de Boulogne, puis la SaintéLyon, le tout en 2 mois de temps.

La fusée est lancée en orbite, mais pourtant quelques tracas mécaniques viennent contrecarrer mes plans. La Saintélyon, épreuve faite de boue et de pluie, aura laissé des traces, non seulement de terre sur mes vêtements, mais également sur mon genou. La dynamique s’est grippée, les fractionnés ont laissé place aux séances de glaçage matin et soir, les séances de renforcement musculaire s’enchaînent sans rien y faire, et le mois de décembre est un mois bien morne avec un seul genou. Le repos n’y fait rien, les douleurs continuent, s’intensifient, me pourrissent mes tentatives de reprise, mes nuits sont réveils douloureux à chaque mouvement de genou.

Puisque le repos ne fonctionne pas et ne me sied guère, quitte à souffrir, autant le faire en courant. Je ne lâche rien, enchaîne les consultations, relance la machine en augmentant de nouveau peu à peu le rythme, rafistole le genou à coups de squats, de glace et de séances d’ondes de choc. Je ne me laisse pas faire, cours, beaucoup, comptant déjà malgré tout préparer le corps aux mois difficiles à venir, malgré cette articulation récalcitrante. A force de volonté et d’abnégation, la fin janvier voit enfin la guérison arriver et les fractionnés redevenir d’actualité. Je fête cette résurrection du genou par un RP sur les 10k de Vincennes, et me voilà dès le lendemain lancé dans mes 9 semaines de préparation marathon spécifique.

La préparation marathon : du volume, de la sueur et l’abnégation

Ah, le voilà ce moment tant attendu de parler de la préparation marathon en tant que telle. Car c’est bien cela que tu attendais depuis le début, cher lecteur, plutôt que de te palucher depuis quelques minutes mes élucubrations sur ce qui m’a mené jusqu’ici. Ne t’inquiète pas, tu vas en avoir pour ton temps.

Quelques chiffres d’abord, pour se rendre compte du chemin parcouru (au propre comme au figuré) depuis ce début d’année et durant cette préparation marathon :

Depuis le début de l’année :

0
kilomètres
0
h et 48 minutes
0
m de dénivelé

Depuis le début de la préparation marathon :

0
kilomètres
0
h et 15 minutes
0
m de dénivelé

Cela peut paraître beaucoup. Ca l’est. Volontairement.

Tout d’abord, je tiens à rappeler aux quelques badauds qui s’attardent ici que je ne suis pas coach, que je n’ai pas d’entraîneur, que je ne suis aucun plan trouvé dans un quelconque magazine ou ailleurs, et que ce que je m’applique ne concerne que moi. Ne pas reproduire chez vous donc.

Comment ai-je construit mon plan et mes entrainements ?

Je ne suis aucun plan préparé, si ce n’est le mien, fait par moi-même, à partir de mon expérience, de mes ressentis, de mes contraintes, de ma connaissance de mon corps, de mes envies et de mes capacités. Je suis plutôt réticent à l’encontre de tout plan préparé par quelqu’un d’autre, dans la mesure où il ne sera généralement pas personnalisé, pas adaptable, pas construit en harmonie avec ses contraintes et ses propres capacités personnelles. Surtout, les gens qui suivent aveuglément un plan ne savent  généralement pas pourquoi ils font chaque séance, en quoi chacune est bonne à terme pour leur objectif, et collent au plan sans être capables de s’adapter aux ressentis de leur corps.

Pour ma part, rien ne vaut parfois une part d’improvisation, un grain de folie, d’y aller au ressenti. Je suis capable d’interchanger des séances de manière intelligente si nécessaire, de réduire le rythme si nécessaire pour ma récupération, d’augmenter au contraire quand je me sens bien et que je crois mon corps capable d’encaisser quelque chose de plus complexe que prévu. Je suis pour l’auto-discipline, pour suivre et faire des séances quand et de la manière dont elles sont prévues, même quand on en a pas envie, quand on est pas motivé, qu’on est fatigué, qu’il pleut, qu’on a mal aux jambes, parce que c’est prévu et qu’il ne faut pas réfléchir. Mais je suis aussi pour adapter son entraînement à la marge selon ses ressentis, inclure un peu de folie, d’imprévu, et surtout introduire tout ce qui peut contribuer au plaisir de la séance. Un beau parcours avec des portions inconnues, un lever de soleil, une séance au bord de l’eau, un bloc de vitesse supplémentaire ou plus rapide juste parce qu’on se sent bien,… La course reste un plaisir avant tout, et le plaisir se trouve dans la variété, l’imprévu, l’improvisation, le manque de routine.

Sortie à jeun - Lever de soleil
Sortie à jeun - Lever de soleil

Ce qui me guide donc dans l’élaboration de mes semaines d’entrainement, c’est de créer un enchaînement de séances qui sert l’objectif final, de manière cohérente et surtout que je suis capable de comprendre, et enfin qui me donne du plaisir au final (même s’il n’y aura pas de plaisir pendant chaque séance non plus, on ne va pas se mentir). Ce que je planifie c’est une structure, un squelette qui me permet de m’améliorer, de forcer mon corps à progresser et s’adapter, tout en m’assurant de laisser les respirations nécessaires à la bonne récupération pour éviter les blessures. Cela n’empêche pas ainsi une part d’aléa, à partir du moment où on comprend ce que l’on fait.

Tout cela, je le tire de mon expérience tout d’abord, de ma connaissance de mon corps sur les entraînements précédents, de ma progression antérieure, de mes ressentis. Mais également de pas mal de connaissances théoriques. J’ai beaucoup travaillé cet aspect sur les mois de décembre-janvier, en lisant pas mal d’articles à droite à gauche sur internet, en comparant, et en lisant le fameux ouvrage La bible du running (Jérome Sordello, éditions Amphora). J’ai également disséqué pas mal de plans d’entraînement, trouvés sur internet, dans des magazines, mais également sur les profils strava d’autres coureurs (sorry for stalking), pour essayer de comprendre leur logique d’entraînement et en retirer des facteurs clés de succès et des pistes à réutiliser pour mon propre plan (adapté à mes besoins donc).

J’insiste donc bien sur la nécessité pour moi de bien comprendre ce qu’on l’on fait, quand on le fait et pourquoi. Je suis un peu une tête de mule, si on me demande de faire quelque chose mais que je ne suis pas capable d’en comprendre l’intérêt, je ne le ferai tout simplement pas. Parce que j’ai besoin de m’approprier les choses, de les comprendre, de faire miens les concepts qui sous-tendent tout cela, non seulement en sport mais dans la vie de manière générale.

Quelles séances et quelle structure d’entraînement donc ?

L’idée était d’avoir des semaines assez intenses, avec de grosses charges kilométriques, pour forcer mon corps à travailler et s’adapter avec une pré-fatigue constante et à apprendre à récupérer d’autant plus vite. Mais sans pour autant virer au surentraînement, avec des phases de récupération courtes et incomplètes, mais adaptées. Constamment être sur la corde raide entre fatigue bénéfique et surfatigue en somme.

J’ai appliqué le principe d’hypercompensation : de fortes charges d’entraînement avec des temps courts de repos pour ne laisser au corps que partiellement le temps de récupérer, afin de me pousser dans mes retranchements. Avec une phase de récupération plus importante de manière épisodique afin de pouvoir assimiler le travail des semaines précédentes.

Soit dans la pratique des blocs de 3 semaines intenses pour 1 semaine plus “cool”.

Ce qui donne donc 1 premier gros bloc de 3 semaines, 1 semaine allégée, à nouveau un gros bloc de 3 semaines, puis les 2 semaines d’affûtage, soit 9 semaines de préparation marathon au final.

Avec pour choix de faire 6 séances durant les grosses semaines, pour avoir la charge nécessaire pour aller faire un volume kilométrique très conséquent tournant autour de 100 kms hebdomadaire. Un objectif ambitieux et fatiguant, mais qui me paraissait jouable au vu de mon expérience et de la résistance de mon corps sur des phases de prépa précédentes.

  • 1 séance de fractionné par semaine : plutôt du fractionné “long”, pour travailler l’endurance de vitesse, être capable de tenir de bonnes distances sur une allure très rapide
  • 1 séance à jeun minimum par semaine : pour habituer le corps à aller puiser dans les réserves de graisses et non seulement dans le glycogène. Les réserves de glucose étant limitées et insuffisantes pour tenir un effort long comme le marathon, il faut travailler la capacité du corps à aller chercher d’autres sources d’énergie et à les utiliser de la manière la plus efficace possible. Et puis courir le matin tôt ça fait gagner du temps avant le boulot, et avec le lever du soleil en prime ça n’a pas de prix !
  • 1 séance de fartlek / de côtes / avec des blocs d’allure marathon : en alternance selon les semaines, et selon la fatigue du moment, avec des objectifs différents, mais pour but de faire une séance de qualité supplémentaire qui favorise le gain en puissance cardiaque, en puissance musculaire et en travail de foulée.
  • 1 séance longue, sur des distances de plus en plus longues, avec des blocs de plus en plus longs d’allure marathon, afin d’habituer le corps à courir longtemps à l’allure désirée le jour J.
  • Essentiellement des footings pour le reste des séances, calées selon les possibilités et de manière adéquate à favoriser la récupération active après les séances de qualité qui mettent l’organisme à rude épreuve (fractionné, sortie longue, fartlek, course officielle,..).
  • Je ne vais pas rentrer davantage dans le détail ici. D’abord parce que cet article déjà long deviendrait dès lors interminable. Ensuite parce que le but n’est pas de dresser une revue encyclopédique des connaissances sur l’entraînement marathon, mais de partager (pour les curieux) dans les grandes lignes l’esprit qui m’a animé durant ces quelques semaines.

    Rajoutez à cela un peu de biquotidien (deux séances dans la même journée), du travail régulier de renforcement musculaire (gainage, squats, fentes, joie…), des gammes / travail pliométrique sur certaines séances et des lignes droites en sprint pour travailler la foulée, vous obtiendrez dans les grandes lignes mon plan de ces dernières semaines.

    Comment j’ai vécu ma prépa

    Clairement, je m’attendais à ce que je sois difficile, fatiguant, éprouvant physiquement et mentalement. Et ce le fut… mais pas autant que je le craignais. Ca n’a pas toujours été une partie de plaisir, et certaines séances ont été plus simples que d’autres. Mais je suis étonné d’avoir globalement plutôt bien tenu le choc, de ne m’être jamais démotivé et d’avoir réussi à tenir toutes mes séances.

    J’ai nécessairement eu des doutes, sur ma méthode, sur mes choix, sur mon niveau de fatigue, mais je m’en suis tenu à ce que j’avais planifié à l’origine, et grand bien m’en a fait. Certaines séances ont été difficiles pour se motiver à sortir et à tenir les allures quand le corps crie stop, mais j’ai résisté. Le mental en avait parfois marre, mais n’a jamais capitulé. Il a fallu aller se faire violence face à la pluie, au vent, à la tempête de grêle, aller courir avec des jambes au bord de la rupture, souffrir les dents serrés et se remotiver à chaque pas. Certains fractionnés ont été terriblement difficiles, parce que faits dans des conditions de fatigue importantes (4×2000 2 jours après le semi-marathon de Paris), ou parce que les répétitions étaient nombreuses (foutu 10×800, dur pour le mental). Mais j’ai tenu, et je suis revenu à chaque fois fier du chemin parcouru.

    A l’inverse, de nombreuses séances ont été magiques, tous ces levers de soleil au petit matin, ces sorties pause-déjeuner au bord de l’eau, ces blabla runs du mercredi soir avec Adidas Runners Bastille, des sorties longues parfois très plaisantes sur des parcours diversifiés, des blocs de vitesse qui donnent l’impression de voler sans effort.

    J’ai dû faire face à un moment difficile vers la fin de la préparation avec l’apparition d’une contracture au mollet qui m’a fait craindre de devoir diminuer mon entraînement. Mais en m’adaptant, en réduisant temporairement légèrement l’intensité des séances, et à force de massages, d’étirements et de serrage de dents, la douleur est finalement passée sans laisser de traces.

    Ce qui m’aura le plus marqué durant ces 9 semaines aura finalement été la capacité de mon corps à s’adapter, à récupérer toujours plus vite, à progresser à une vitesse que je n’aurais pas cru possible. J’ai vu mon niveau encore davantage s’élever en à peine quelques semaines, à un point que cette “facilité” en devient même limite flippante. J’ai réussi à obtenir un RP de 1h18’03 sur semi-marathon alors que sur le papier tout jouait contre moi (80 kms et une crève dans la semaine, les jambes lourdes, un vent de folie). J’ai même parfois eu du mal à freiner mes jambes qui prenaient naturellement un rythme dingue qui m’aurait demandé tant d’efforts il y a encore si peu. Tout cela est juste fou, et je m’émerveille chaque fois davantage de cette formidable machine qu’est le corps, qui a le don de s’adapter et se remodeler à une vitesse incroyable.

    Et pour le jour J maintenant ?

    J’ai du mal à mesurer objectivement tous les progrès réalisés, à regarder par dessus mon épaule pour voir tout le chemin parcouru. Pas encore assez de recul et encore trop le nez dans le guidon, mais que ces 9 semaines furent folles et riches en découvertes.

    Je dois avouer ne pas savoir exactement à quoi m’attendre pour dimanche. Je me sens prêt, plus prêt que jamais. Je ne suis pas particulièrement anxieux, je sais que j’ai fait ce qu’il fallait et que ma préparation a été aussi bonne que nécessaire. Mais j’ai encore du mal à me projeter vraiment, à visualiser quel chrono devrait s’afficher sur la montre lorsque je franchirai la ligne d’arrivée. Je retourne les données dans tous les sens, calcule et recalcule, apprend les temps de passage par coeur. Je connais l’allure fixée, mais tant de choses peuvent arriver, accélérer ou ralentir sur la fin ?

    J’ai un objectif bien sûr, des souhaits encore plus ambitieux, et des rêves encore davantage. Tout se jouera après le 30e kilomètre, là commencera véritablement la course. Je me battrai pour aller chercher le meilleur chrono possible, pour livrer le meilleur de moi-même.

    Mais quoi qu’il arrive, au final là n’est pas le principal. Le principal c’est le chemin parcouru ces dernières semaines, les progrès que j’y ai fait, la satisfaction et le plaisir que j’en ai retiré. L’arrivée ne sera que la cerise sur le gâteau. Mais en pleine période de restriction calorique, qu’elle me paraît bonne cette cerise. Je vous laisse, j’ai une médaille à aller chercher.

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