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Veni, Vidi, et toujours pas Vici : apprendre à lâcher prise

Je suis venu, j’ai vu, je n’ai toujours pas vaincu. Aïe. Comme cette petite référence latine le laisse présager, les paragraphes à suivre seront malheureusement sur une tonalité moins enjouée que le précédent article. 

4 mois se sont déjà écoulés depuis la dernière fois où j’ai pris le temps d’écrire quelques lignes ici, 4 mois de trop, 4 mois malheureusement pas pour le meilleur mais plutôt pour le pire.

J’avais quitté mon dernier article tout fier de ma reprise sportive post-blessure, bien décidé à boucler la boucle et en finir avec plusieurs mois de décadence sportive, tout droit lancé sur le chemin de la réussite. Il semble bien qu’en chemin un caillou se soit dressé et m’ait fait chuter. Moi qui voulais remettre de la vitesse, m’en voilà quitte pour l’avoir confondu avec précipitation.

Avé César, ceux qui vont venus confesser leurs échecs vous saluent. Rétrospective.

Plus on s’élève et plus dure sera la chute

Voilà qui résume bien ces derniers mois. L’histoire d’une belle ascension sportive qui finit dans les choux. Une chute qui fait bien plus mal que celle où je me suis ouvert l’arcade sourcilière ou celle où je me suis fêlé une côte.

Ça partait bien pourtant. J’étais tout content de ma reprise progressive en 11 semaines, parfaitement organisée. De ma capacité à reprendre les sorties longues, toujours plus longues, et de plus en plus intenses. De pouvoir accumuler les kilomètres. De cette envie débordante et de cette motivation inextinguible. Jusqu’à un mois de mars incroyable à 514 kilomètres. Et un énième marathon bouclé dans les rues de Paris début avril, pour reproduire la carte de France.

De quoi reprendre des couleurs, croire en l’avenir et entrevoir des performances prometteuses. Et surtout des défis de taille. Car voilà, à force de se croire Forrest Gump à courir partout et contre tout, voilà-t-il pas que l’auteur de ces lignes s’engage dans un tirage au sort bien peu réfléchi. Et paf, je ne vous le fais pas dire, c’est gagné. Me voici donc inscrit sur la Diagonale des Fous, sans avoir eu le temps de penser à ce que cela représentait.

 

 
 
 
 
 
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Folie douce, poison amer aujourd’hui. Mais voilà, l’époque était à l’optimisme, en la confiance en mes capacités. Malgré tout, il y avait quand même un petit quelque chose qui me titillait, qui me gênait au fond de moi. Malgré les marathons, malgré la reprise des fractionnés, je voyais bien que la blessure n’était pas complètement évacuée, qu’elle lançait de petits coucous de temps à autre, pour se rappeler à mon bon souvenir.

Et ce qui devait arriver arriva, mi-avril, alors que tout allait bien, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes… Boum, c’est la tendinite qui revient. Accompagnée de quelques petits ingrédients supplémentaires pour faire un cocktail douloureux bien savoureux : une inflammation du nerf sur l’avant-pied (névrome de Morton) et des douleurs dans le dos. Une première bonne alerte qui me pousse à revoir mes allures à la baisse et à temporiser. Côté positif : je suis sage, et ça permet d’évacuer partiellement les bobos petit à petit. Côté négatif : la tendinite n’était donc bel et bien jamais totalement guérie, tapie dans l’ombre, prête à me jouer un mauvais tour. Et elle n’avait pas finie de me pourrir la vie.

Mais, à cœur vaillant rien n’est impossible. Je me lance donc dans le défi déjà prévu avant l’apparition des petits bobos. Un 100 kilomètres sur route, de manière non-officielle, dans le bois de Vincennes avec les amis. On ne va pas se mentir, à ce moment-là je crois déjà un peu plus moyennement en mes chances. Mais le défi est relevé vaille que vaille, dans la douleur, avec la tendinite qui sera venue finalement mêler ses copains quadriceps et genou à la fête, pour me pourrir l’ambiance. Je temporise, je me raisonne, je marche, et je vais au bout.

 

 
 
 
 
 
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Un défi de plus relevé donc, et de taille ! Pourtant, si le cœur est à la fête, la raison est un peu plus boudeuse. Les douleurs des dernières semaines m’inquiètent plus sérieusement, à l’heure de me lancer enfin dans ma préparation trail. Alors, je me décide enfin à aller voir un kiné, après mon échec d’avoir tenté d’en finir moi-même. J’espère cette fois-ci recueillir l’aide nécessaire pour venir à bout de cette douleur qui m’empoisonne.

La spirale infernale : blessures sportives et coups au moral

Et pourtant, je ne le sais pas encore, mais ce sera le début de la fin. Je continue mes grosses semaines de préparation, leur adjoignant désormais davantage de dénivelé pour anticiper les échéances à venir. Mais les problèmes vont alors s’enchaîner dans une spirale infernale.

Fin mai, j’apprends que je ne pourrais pas courir la prochaine échéance à venir, le 90 kms du Mont Blanc. La faute au report d’une semaine pour raison de couvre-feu. Couvre-feu qui sera par la suite supprimé, rendant ce report inutile. Mais qui m’empêche néanmoins de concourir, pour raisons professionnelles. Premier coup, plutôt au moral et au mental.

Début juin, alors que je commence vraiment à accuser le coup et me sentir très fatigué, à la ramasse, un footing en apparence anodin provoquera la chute finale, le cataclysme. Je vais alors me coucher sans douleurs particulières. Particulières au sens où j’ai mal au tendon, mais cette douleur m’est désormais récurrente et malheureusement plus extraordinaire.

Pourtant, le matin au réveil, c’est dans un tout autre état que je me réveille. Dès la première foulée, je comprends que quelque chose ne va pas. J’ai mal au tibia. Je tente quand même le footing, après tout ce doit juste être une douleur anodine qui va passer. Sauf qu’elle s’aggrave, et la fin de footing me fait bien comprendre que celle-ci est plus bien grave que tout ce que j’avais pu avoir auparavant.

Non seulement je ne peux plus courir. Pire, j’ai mal à chaque pas, chaque mouvement de pied, je boite durant 10 jours. Je prends des rendez-vous en urgence, fais des examens, me fait diagnostiquer une périostite. Certainement due au fait de compenser de l’autre côté par rapport à la tendinite. Mais qui fait désormais craindre bien plus grave : une potentielle fracture de fatigue à terme.

Et là c’est la catastrophe, le déclin total. Plus de course pendant 3 semaines, à part une tentative infructueuse ponctuée de douleurs. Je vois des médecins, passe tous les examens possibles et imaginables. On me diagnostique bien une tendinite de l’insertion des ischios-jambiers, comme je le pensais depuis le début. Avec peut-être également une tendinite des fessiers. Des analyses de sang et d’urine pas franchement satisfaisantes, avec là où on pourrait s’attendre à du « pas assez » du « trop » potentiellement plus problématique à long-terme.

Je ne peux plus courir, on me parle de longue rééducation, de postures et exercices nombreux et rébarbatifs et clairement impossibles à tenir une journée en tant que cadre de bureau sédentaire et occupé, de nutrition à rééquilibrer (apparemment les frites et les pizzas ne seraient pas recommandées), d’un mode d’alimentation qui me fait clairement autant envie que de sucer des cailloux. Plus que le physique qui ne tient plus le coup, le choc est surtout mental.

Malgré quelques jours en montagne prometteurs où j’arrive à randonner comme je veux et à courir en descente, malgré un mental qui reprend temporairement des couleurs, le retour sera une énième désillusion. J’arrive à recourir certes, aidé des manchons de compression pour soulager le tibia. Mais les sensations sont très mauvaises. Le cardio est à la ramasse, je suis essoufflé, j’ai mal au tendon, le tibia n’est plus douloureux mais reste sensible. Bref, plus rien ne va, la machine s’est totalement déréglée.

Douleurs et frustrations

Aujourd’hui, où en suis-je ? J’ai désormais des douleurs pluri-quotidiennes. Le tibia me rappelle régulièrement que le périoste est abimé et que chaque sortie peut finir pour moi par une fracture de fatigue. Le tendon est récalcitrant au point qu’il me fasse très régulièrement mal pour des choses anodines comme me baisser, rester assis trop longtemps, ou simplement marcher. Le mental est brisé à terre. La motivation est désormais quasi inexistante, flamme fugace malmenée et presque éteinte par des brises de mois de douleurs répétitives et lancinantes.

Alors, je ne vois plus trente-six solutions à ce calvaire et ce déclin que je sais, ne veux plus voir. Je lâche prise. Je m’autorise à abandonner. A ne plus vouloir. A arrêter de forcer, de réessayer encore et encore. Je courais pour le plaisir, avant tout et surtout. Et là il n’y a nul plaisir à mettre les baskets pour n’aller plus chercher que de la douleur, de la souffrance, des désillusions et de la frustration. J’arrête de vouloir, malgré tout, m’entraîner pour des échéances que je sais ne maintenant plus pouvoir tenir.

Je vais reprendre depuis le début. Ne plus courir, si c’est nécessaire, pendant longtemps, pour ne plus être assailli de douleurs et de frustrations. Faire autre chose. Utiliser mon temps pour d’autres sports, pour d’autres projets, d’autres passions, d’autres envies. Me soigner, me refaire une santé, lentement, tranquillement. Profiter des vacances sans pression. Reprendre, progressivement, à un rythme imposé par un corps dont je ne maitrise plus les soubresauts. Essayer de retrouver l’envie, partie galoper dans les montagnes sans moi, me laissant seul avec mon désespoir le soir.

Je sais que cela me coupe de tout dossard pour un moment. Que cela me prive d’entrainement, et me pousse sur la voie du désentraînement, après avoir tant œuvré pour arriver à ce niveau. Que cela m’empêchera d’effectuer la Diagonale des Fous, objectif de l’année, comme je le souhaitais. Que cela signifie certainement une année blanche, une année perdue, une année pour rien, une de plus. Ce n’est pas de gaieté de cœur, bien au contraire. C’est bien le cœur sombre et le mental à bas que je mets fin à mes espérances, pliant devant une blessure, celle de trop, que je n’aurais pas su maitriser.

Aujourd’hui, je lâche prise, pour demain espérer mieux me relever, et recourir.

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