On savait bien que ça finirait par arriver, cette idée de faire un marathon à l’entrainement. Il aura fallu un confinement pour finalement la concrétiser.
Forcément, quand on me garde enfermé pendant 2 mois, il y a des idées qui naissent, de la frustration. Après 1 mois d’enfermement continu, j’avais craqué et étais reparti sur les chemins baskets aux pieds. Mais toujours diablement limité, par ce rayon de 1 kilomètre, et le chrono fatidique des 60 minutes. Quand on sait qu’une heure c’était presque la sortie la plus courte que je faisais avant… Aie.
Alors, plutôt que de ressasser l’absence de bornes à accumuler, j’ai utilisé l’envie comme une force pour créer et lancer de nouveaux projets, défis. De quoi avais-je envie une fois que nous aurions retrouvé davantage de liberté ?
Naissance d’une idée
J’ai listé les monuments et passages de Paris que j’avais le plus envie de revoir, dont je me languissais le plus. Puis, j’ai pris mes cartes, mon fidèle allié Google Maps, et j’ai commencé à faire mes tracés, à bouger les lignes, à tenter des parcours, à accumuler les kilomètres. Plusieurs idées sont nées de ces quelques dernières semaines, enfermé entre mes bouquins sur Paris et mon imagination fertile. Ce qui donne, entre autres, ce défi un peu fou, d’aller faire un marathon en post-confinement.
Premier impératif toutefois, et pas des moindres : faire en sorte de respecter une sécurité sanitaire, et donc de croiser le moins de monde possible. Pas évident, vu le nombre de kilomètres à parcourir, et donc le temps nécessaire. Ce qui signifiait partir tôt, très tôt, pour rentrer vers 9h-10h, et éviter la foule sur la plus grosse partie du parcours. Et donc de partir à jeun. A 5h. On avait pas dit que ça devait être facile non plus.
J’ai donc calculé l’heure du réveil, l’heure de départ, les heures prévisionnelles de passage aux points les plus importants (plutôt bien respectées, et même devancées), en prévoyant une allure très tranquille, avec pas mal de pauses pour reposer un peu les jambes, et profiter de la vue. Parce que, le but principal c’était quand même de retrouver Paris ma bien-aimée.
Vu que ce marathon était dans un coin de ma tête depuis plusieurs semaines, j’ai également adapté ma reprise sportive en fonction. J’ai repris la course 4 semaines avant, toujours en courant tôt le matin, vers 7-8h, en priorité dans des petites rues à côté de chez moi, après analyse des flux de population. J’ai commencé tranquillement, à 3 séances la première semaine, puis 4 séances les 2e et 3e semaines, et enfin un retour à 5 séances la 4e semaine, pour atteindre de nouveau les 70 kilomètres hebdomadaires. Avec, il est vrai, une allure un peu rapide malgré des séances exclusivement à jeun (heure matinale oblige). Mais, au vu du temps limité imposé, il fallait en profiter un maximum. Ce qui a quand même fini par donner des séances sous les 4 minutes au kilomètre de moyenne pendant la dernière semaine. Tout vient à point à qui sait attendre.
A côté de cela, pas mal de renforcement musculaire, bien que j’aie fini par m’en lasser, et surtout pas mal de vélo pour conserver un maximum l’endurance et la masse musculaire au niveau des jambes. Ce qui m’a permis dans le même temps de fortement enrichir ma culture cinématographique. Tant qu’à suer sur la selle, autant faire quelque chose d’utile.
Bref, pas vraiment non plus une préparation, mais de quoi m’assurer de ne pas échouer lamentablement non plus.
Départ en douceur
Réveil à 4h30, puis départ à 5h dans le noir. Lesté de mon sac d’hydratation et de mon ravitaillement, mais à jeun, donc. Faire un marathon à jeun, c’est un concept intéressant ma foi.
Il fait un silence assez impressionnant, absolument personne dans les rues, quasiment pas une voiture. Les kilomètres défilent relativement vite, malgré que je fasse bien attention d’y aller tranquillement, sur une foulée souple et calme. Je file en direction de la porte de Montreuil, puis la place de la Nation. De là, direction la place de la République via le Boulevard Voltaire. Ensuite, je prends le boulevard Magenta pour revenir sur les grands boulevards extérieurs et m’orienter vers la butte Montmartre, premier grand point d’étape du parcours. Impressionnant de voir le boulevard Magenta aussi vide, moi qui pestais souvent au contraire contre la foule qui envahit les trottoirs à proximité des gares.
J’arrive donc à Montmartre et entame la montée des marches de la rue Foyatier. Ah ces fameuses marches que connaissent bien tous les apprentis trailers de la capitale, usées encore et encore par les allers retours à l’approche de l’été. D’une certaine manière, elles m’avaient manqué elles aussi. Même si, pour une fois, j’évite de les grimper au pas de course, pour m’éviter une fatigue préjudiciable pour la suite.
La vue en haut de la butte et des marches est magnifique. D’abord sur Paris. Mais ensuite également sur le lever de soleil. Je suis arrivé pile au bon moment pour voir les premières lueurs du jour et ses flammes multicolores dans le ciel. Je dois avouer que j’avais prévu également mon heure de départ pour arriver à Montmartre à ce moment-là. C’est l’occasion de faire une bonne pause pour profiter de cette beauté matinale, et immortaliser le moment par quelques photos souvenirs.
Passage par les monuments emblématiques
Puis, un petit tour par les rues emblématiques mais désertes du quartier, et c’est le retour sur les grands boulevards extérieurs pour poursuivre mon chemin vers le prochain point d’étape.
Je poursuis donc ma route, bifurque à hauteur des Ternes, et arrive ainsi à l’Arc de Triomphe. Celui-ci s’offre à la vue des très très rares passants, sans voitures pour le masquer, sur fond de grand ciel bleu clair. Il est à 6h30 du matin, la ville dort encore, et c’est pour le mieux.
Je continue ma petite virée touristique en descendant l’Avenue des Champs-Elysées, déserte pour une fois. Plutôt plaisant de découvrir la plus grande avenue du monde aussi calme. Même plaisir devant une place de la Concorde qui semble m’être privatisée.
Un petit crochet par l’Eglise de la Madeleine, puis je prends la direction du somptueux Opéra Garnier, que j’avais bien envie de revoir également. Ce monument est sans doute l’un de mes préférés, tellement il est grandiose et magnifiquement décoré. Et encore, c’est bien peu par rapport à son intérieur.
Je file ensuite rejoindre la rue de Rivoli via la place Vendôme, là encore vide avant l’ouverture des boutiques de luxe. Après un passage furtif devant le Palais Royal, petit crochet par le rond-point du Carrousel pour aller admirer l’un des plus beaux et grandioses monuments du monde : le Louvres. Et je ne regrette clairement pas ces quelques centaines de mètres supplémentaires. Tant j’aime ces bâtiments, riches d’histoire et de culture, et ici somptueusement baignés par le soleil levant. Une place déserte qui n’en permet que de mieux apprécier la beauté des lieux, des sculptures.
D’une rive à l’autre
Retour sur l’artère de Rivoli pour rejoindre le cœur de Paris, Chatelet. De là, je franchis la Seine pour aller sur l’île de la Cité. Une petite pause est tout de même de rigueur pour admirer ma vue préférée de Paris : vue depuis le Pont au Change sur les quais, la Seine, les autres ponts au loin, et le Palais de Justice. Toujours grandiose.
Mais c’est déjà reparti, pour un passage éclair sur l’île avant de bifurquer une fois arrivé rive gauche, direction plein ouest. Un parcours que je connais bien pour l’avoir emprunté moult fois avec les camarades d’Adidas Runners Bastille. Même itinéraire, en suivant tout d’abord les quais hauts, en descendant sur les quais bas pour la suite. L’heure avance, il est plus de 7h, mais toujours pas une grosse foule, à peine quelques autres coureurs matinaux.
Je remonte pour faire une brève pause face à la Dame de Fer. Elle ne scintille pas à cette heure-ci certes, mais elle est toujours aussi belle et m’avait un peu manqué aussi. Je contourne l’esplanade, puis poursuis sur le champs de Mars. J’en suis désormais à plus de 25 kilomètres, les jambes commencent à tirer un peu, mais léger encore pour l’instant. De bon augure pour la suite.
Direction les Invalides désormais, puis l’église de St Sulpice via la rue de Grenelle. J’avais prévu d’y arriver pour 8h au mieux, il est 7h55, on est vraiment nickel niveau timing dis donc. Quelques petits signes de fatigue qui commencent à arriver à l’approche de la barre des 30 kilomètres, mais ça tient plutôt bien jusqu’ici.
Un petit passage par le Panthéon, puis c’est la descente en direction des quais de nouveau, pour aller franchir le pont de Sully, et repartir en direction de Bastille. Un parcours là encore bien connu, maintes fois avec les copains de AR Bastille. Me voilà ainsi arrivé à hauteur de la colonne de Juillet et sa nouvelle place, pour une petite pause et quelques photos.
Dernière ligne droite
La fatigue commence à se faire sentir un peu plus, les jambes à tirer davantage, mais il ne reste désormais « plus que » 9 kilomètres. C’est à la fois beaucoup, surtout en fin de marathon, et peu. Ce restant de parcours, je l’ai déjà fait tellement de fois, je le visualise tellement bien, dans ses moindres bosses, que j’ai l’impression d’être bientôt à la maison.
Ca file tout droit jusque la place Félix Eboué à Daumesnil, puis c’est la bascule que j’attendais pour soulager les jambes, la descente jusque Porte Dorée. Arrivé à hauteur du lac Daumesnil, je fais une légère pause pour soulager un peu les jambes avant la dernière portion. Ça tire dans les fessiers, la fatigue se fait sentir, mais rien de bien anormal une fois arrivé à 37 kilomètres. Et relativement anecdotique par rapport à la fatigue que j’ai pu ressentir sur pas mal de marathons. Tout va bien donc. Finalement je ne vais pas le finir en rampant.
De retour dans la course, une belle ligne droite sur une foulée un peu moins assurée le long du bois de Vincennes, pour aller rejoindre le château. Là, j’ai la chance d’avoir un beau bouquet de coquelicots qui prennent la pose idéalement posés. En fait le coin est plus sympa quand personne n’est venu là depuis des semaines !
Hop hop hop, on ne traine pas, et ça repart pour la toute fin. Quelques dernières rues à parcourir dans Vincennes, puis Montreuil. Avec en option un petit détour d’un pâté de maison pour s’assurer de bien finir à 42,2 kilomètres. Il faut dire que je connais bien les lieux et toutes les distances maintenant, après avoir tourné en rond ici pendant plusieurs semaines !
Je lance le décompte des dernières centaines de mètres à mesure que la maison approche. 500 mètres, 400, 300, 200, 100… Et top, c’est fini ! Pas si terrible finalement !
Grand sourire, joie de l’avoir fait, heureux d’avoir de nouveau parcouru Paris en toute liberté. Et au final, même si c’était nettement plus compliqué sur la fin, pas trop de bobos et relativement facilement, sans s’infliger trop de souffrance et en prenant son temps. Elle est pas belle la vie en déconfinement ?
Ce marathon, assez improbable, après une reprise timide et fragile, à jeun, quasiment sans rien manger pendant l’effort, se conclut ainsi sur un chrono lui aussi inattendu : 3h07’07 sans les pauses, 3h49’52 avec. Il fallait bien prendre le temps de s’arrêter un peu quand même. Pour les feux rouges déjà. Et puis, quitte à se lever si tôt, autant profiter du lever de soleil et de prendre des photos et vidéos de ce beau Paris vide, non ?
J’avoue être assez fier de ce marathon réalisé dans des conditions… particulières. Pas très courant. Mais les semaines avaient été tellement frustrantes, énervantes. Il fallait bien ça pour marquer le retour à la liberté. Une liberté fragile, précaire, à chérir et pour laquelle nous devons lutter en nous protégeant les uns les autres. Mais une liberté qui nous permet de nouveau d’espérer, de faire des projets, de rêver. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
J’ai rêvé que je pouvais faire un marathon juste pour m’amuser, sans prise de tête, sur le parcours de mon choix, sans dossard ni médaille, par envie et pour le plaisir de courir. Car courir est pour moi signe de liberté, d’envie et de plaisir. Un essentiel, un besoin. Alors j’ai choisi d’utiliser la frustration, l’absence et l’envie comme une force, une motivation pour me projeter encore plus loin, plus haut, plus fort. Pour ne pas me laisser dicter ma vie par l’adversité et le sort. Pour retourner me battre. Pour recommencer à faire des projets, si fous soient-ils. Pour rêver de nouveau. Pour retourner vivre.
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